Si les Arabes sont une vieille obsession française, les visions fantasmées qui en ont découlé sont le fruit d’une longue histoire. Dans Mâle décolonisation (Payot, 2017) l’historien Todd Shepard revient sur le moment particulier qu’a constitué à cet égard l’après-guerre d’Algérie. Il y retrace comment, de 1962 à 1979, l’homme arabe est devenu en France une figure omniprésente dans les débats de société les plus divers, consubstantielle aux positions politiques de l’extrême droite comme de l’extrême gauche, et façonnant des mouvements de libération homosexuels et féministes. C’est à l’aune de l’étude de cette période unique que les formes contemporaines de racisme s’éclaircissent.
Qu’est-ce qui fait que, jeune historien américain, tu t’es intéressé à la France et à l’histoire algérienne de la France en particulier ?
J’ai vécu ma première expérience en France pour une année d’étude, à 16-17 ans, à Sin-le-Noble dans le Nord. C’était en 1985, et il s’est très vite avéré que la famille qui m’hébergeait était sympathisante du Front national. Le premier jour, j’ai eu le malheur de parler négativement de l’empire colonial, et cela a été suffisant pour que le père dérive sur le fait que selon lui il n’y avait rien de raciste à dire que les Arabes étaient des voleur⋅ses et les Noir⋅es des paresseux⋅ses, car « c’étaient des faits ». Je connaissais bien sûr le racisme envers les Noir⋅es aux États-Unis, mais je ne comprenais pas pourquoi il parlait des Arabes… Je suis parti dans une autre famille quelques mois plus tard, car cela ne se passait pas très bien, puis suis finalement rentré aux États-Unis.
Ensuite j’ai fait des études plus orientées vers les questions de genre et de sexualités, ce qu’on appelle aujourd’hui les queer studies. Plusieurs personnes m’ont poussé à inscrire ma thèse en histoire française plutôt qu’en histoire américaine pour obtenir plus facilement une bourse de recherche. Il fallait trouver un sujet et c’est là que je suis tombé sur l’histoire de la fin de la guerre d’Algérie, qui est finalement devenue la base de mon premier livre.
Très vite, certains questionnements m’ont rappelé des pistes explorées par les études sur le genre et les sexualités aux États-Unis dans les années 1990 ; notamment un effort pour penser les limites d’une démarche communautaire tout en essayant de conserver leur esprit critique, et la nécessité de prendre en considération des questions et des personnes qui ont été marginalisées.
Une question m’intéressait particulièrement : comment arrivait-on à expliquer après 1962 que les Algérien⋅nes n’étaient pas français⋅es ?
Dans les années 1950, l’idée que les Algérien⋅nes ne pouvaient pas être français⋅es n’était défendue que par une petite partie de l’extrême gauche, et bien sûr par une grande partie des Algérien⋅nes. Alors que dans les années 1990, il n’y a plus que l’extrême droite qui soutient cela.
Comment une idée bascule-t-elle de l’extrême gauche à l’extrême droite ? En essayant de répondre à cette question pour mon premier livre, 1962 : Comment l’indépendance algérienne a transformé la France, je suis tombé sur énormément d’archives, de discussions qui portaient sur la sexualité, souvent de manière explicite, comprise surtout à travers la question de la virilité.
Les stéréotypes orientalistes, et notamment l’orientalisme 1 sexuel, c’est-à-dire les représentations sur la prétendue sexualité des « Orientaux », existaient depuis longtemps. La question était : comment ces stéréotypes se redéfinissent-ils après la chute de l’empire colonial ?
Je crois que ces données sont primordiales pour comprendre comment on efface encore aujourd’hui le rôle de l’Algérie dans l’histoire française.
Pourquoi l’homme arabe obsède-t-il tant en France ?
D’abord, il faut savoir que l’homme arabe dont on parle beaucoup en France, in fine, c’est toujours l’homme algérien.
L’Algérie a une importance particulière pour la République française, et notamment pour la cinquième, car celle-ci existe en grande partie à cause de la guerre d’Algérie. Mon premier livre montre la manière dont la France a géré l’après-1962 en redéfinissant les frontières de la nation pour pouvoir en exclure les Algérien⋅nes.
Ceux et celles qu’on appelait à l’époque les musulman⋅es et qu’on pourrait appeler les Berbères et les Arabes, avaient la pleine citoyenneté française depuis 1958. Il fallait donc les en exclure et légitimer leur sortie de la nation. Cette exclusion a des impacts à la fois sur les institutions de la République, mais aussi sur qui est français⋅e juridiquement. J’essaie de tracer l’importance de ce basculement.
Tu cites dans ton livre cette phrase de Cornelius Castoriadis : « Entre les Algériens et le Français, il y a un couteau. Et ce couteau, c’est tout l’imaginaire français sur les Maghrébins, les Algériens en particulier, à la fois sur le plan du meurtre, et sur le plan sexuel. » Pourrais-tu tenter de définir cet imaginaire ?
Beaucoup d’éléments de l’imaginaire occidental de l’Orient datent des croisades, et furent ensuite renouvelés avec les menaces ressenties par les colons pendant la colonisation.
En disant cela, Castoriadis fait référence à Albert Camus et à Meursault, personnage de L’Étranger armé d’un pistolet contre le couteau de l’arabe : cette confrontation est celle de la civilisation contre la barbarie.
Cet imaginaire est un mythe qui a pour fonction d’expliquer la difficulté des Algérien⋅nes à se soumettre à l’occupation française. Se focalisant notamment sur les femmes, le voile, le sérail, il met en avant l’idée qu’il y a une lutte pour prendre le contrôle des femmes. Le couteau est emblématique de cette barbarie qui empêcherait les femmes de sortir, et qui refuserait la civilisation.
Cet imaginaire est très mobilisé pendant la guerre. Il s’agit objectivement d’une situation de violence importante dont les victimes de masse le sont par des armes modernes françaises : mitraillettes, bombardements au napalm, etc. Pendant cette période, des gens meurent aussi de faim au cours des déplacements forcés ou dans les camps de regroupements.
Mais les images qui ont été les plus vues en France sont celles de ladite « barbarie algérienne » : des femmes éventrées, et des hommes égorgés ou émasculés aux mains des prétendu⋅es fellaghas. L’idée a été véhiculée que les Algérien⋅nes utilisaient des armes sauvages pour faire des ravages, iels sont dénué⋅es d’humanité dans le récit constamment mis en avant en France. Les outrages au corps, certes réellement subis par des Européen⋅nes, étaient un phénomène tout à fait marginal dans ce conflit et sont pourtant devenus l’image typique des violences faites par les Algérien·nes aux Français⋅es.
Cela va ancrer l’idée de l’Arabe brutal et violent, qui meurtrit le corps des Français⋅es à l’aide de son couteau. Cette image recycle l’imagerie antibolchévique de l’homme au couteau entre les dents pour suggérer ce qui menacerait la France, c’est-à-dire « l’invasion arabe ». Au même moment, on voit d’ailleurs se réactiver l’imagerie antisémite avec des représentations d’Arabes aux nez crochus.
Dans les sources, c’est frappant. D’ailleurs, des gens dans le cinéma 2 pour moitié maghrébins, écrivent en 1977 dans Libération un texte où ils parlent explicitement de « l’homme au sexe couteau » pour décrire l’ensemble des stéréotypes néfastes qui accablent les hommes arabes en France dans les années 1970.
Tu développes le concept de l’érotisme de la différence algérienne. Quelle est donc la part de la sexualité dans cet imaginaire de la barbarie arabe ?
Il n’y a rien de spécifiquement français dans l’idée d’assigner des excès sexuels à la figure de l’autre, c’est présent dans presque toutes les cultures contemporaines. Michel Foucault a notamment montré comment aux XIXe et XXe siècles la sexualité était devenue un moyen de compréhension de qui nous sommes et de qui sont les autres.
À ce niveau, l’Histoire est dense entre la France et l’Algérie. Par exemple dès les années 1820, juste avant l’invasion d’Alger et de ses alentours, on constate dans la presse française une explosion de récits sur la traite des blanches, liés aux « corsaires barbares », qui vont notamment cibler les viols et parler d’esclavage de femmes et de garçons européens dans les sérails d’Alger. Montrer à quel point des « barbares » menaceraient les Européen⋅nes et les Français⋅es, notamment par leurs attaques sexuelles sur leurs enfants et leurs femmes, est une manière de préparer le terrain de l’invasion. Cette représentation est différente de celles qui prévalent avant la colonisation, et juste après. Dans les années 1830 par exemple, donc au moment de l’invasion, ce sont plutôt les visions du sérail, du luxe, de l’Algérie comme un espace de vice, de sexualité, de licence, de plaisirs étrangers ou illicites à la France qui reviennent. L’Algérie est moins présentée comme une menace que comme un fantasme, ce qui incite les gens à s’y rendre.
Ce va-et-vient est constant sur toute l’histoire coloniale : d’un côté, les Algérien⋅nes sont vu⋅es comme bizarres, extrêmes, dangereux⋅ses, et de l’autre on les considère comme excitant⋅es et proposant des plaisirs qui nous sont inconnus.
Au début, ce qui a attiré mon attention, et qui va devenir le sujet de mon deuxième livre, ce sont les développements de cet imaginaire orientaliste pendant la guerre.
La gauche accusait l’armée, les Pieds noirs et la droite d’être soit en proie à une hyper virilité qui expliquait leur violence, soit au contraire de manquer de virilité. Par exemple, les tortionnaires français sont dépeints dans des textes comme La Gangrène 3, comme des hommes manquant de virilité, des sadiques poussés à toucher les corps algériens par une homosexualité refoulée.
La droite pro-Algérie française va cibler les anti-impérialistes comme des « pédérastes, des gens qui veulent se faire prendre par les Algériens, qui n’ont pas les couilles pour défendre la France et la civilisation occidentale ».
Dans les deux cas, les arguments, les termes ou les images sont pris directement dans tout ce dispositif d’orientalisme sexuel ciblant la sexualité masculine, mais sont aussi utilisés contre d’autres Français au nom de la défense ou du rejet de l’Algérie française.
Dans Mâle décolonisation, je commence avec la fin de la guerre d’indépendance. On observe alors un retour en force, chez les défenseurs⋅euses de l’Algérie française, de descriptions des Arabes puisant dans ce répertoire orientaliste sexuel – alors que les principaux ressorts utilisés pendant la guerre relevaient plutôt de l’anticommunisme, et faisaient référence à l’islam, à « la barbarie », au « racisme des Algériens », etc.
Comment l’extrême droite, que tu décris plus affaiblie en 1962 qu’en 1945, va-t-elle se servir de l’homme arabe et de la menace notamment sexuelle qu’il représenterait pour reprendre pied dans le débat public ?
À la fin de la guerre, l’extrême droite est confrontée à cette question insoluble pour elle : comment la France a-t-elle perdu ? Selon le récit qu’elle a conçu, la défaite est une humiliation, et elle va la décrire en termes de viol. C’est à ce moment-là que l’image de l’Arabe très viril, violent, vorace et violeur fait son retour et qu’elle est jumelée avec l’image du Français efféminé, incapable de se défendre, inverti. Charles de Gaulle est présenté comme incapable d’être un homme. Cette animalité de l’homme arabe, décrit par l’extrême droite comme doué des attributs physiques de l’homme, mais dénué de ses qualités comme l’esprit ou l’intelligence, lui sert à expliquer la défaite de la France.
La figure miroir de l’Arabe éphèbe disparaît peu à peu, et ce sont alors les Français qui sont décrits comme manquant de virilité.
Encore aujourd’hui, cela reste parfois la seule raison avancée par l’extrême droite pour comprendre la perte de l’Algérie, on la retrouve dans les livres mêmes récents de Patrick Buisson par exemple.
Ceux qui vont devenir « la nouvelle droite » (Alain de Benoist, Dominique Venner, Jean Mabire et d’autres) vont soutenir l’idée qu’il faut en finir avec les discours de victimisation des Algérien⋅nes et changer de sujet pour se fixer sur le présent et se débarrasser d’une « nostalgérie » très présente. Afin de détourner l’attention d’un passé qui ne lui est guère favorable et de se faire une nouvelle place dans les débats politiques, cette frange de l’extrême droite met donc en avant la France actuelle ; elle propose pour cela le thème de « l’invasion algérienne » du pays.
La sexualisation à outrance des Arabes faisait partie de ce projet politique. Pour l’extrême droite, c’est à la fois une croyance et un outil dont l’instrumentalisation est explicite et discutée même dans sa presse.
Dès les années 1960, ces discours mettent en avant la criminalité arabe, et plus particulièrement leur prétendue violence sexuelle : le vice en général, les maladies vénériennes, le viol, la drague homosexuelle vont être décrits comme importés en France par les Algériens, et c’est à ce moment-là que l’on va commencer à parler d’« Arabes ».
En 1968 se produit une synthèse de ces propos : alors que l’extrême droite mettait principalement en cause de Gaulle et la Cinquième République, elle va se mettre à cibler les gauchistes pour les traiter de minets, de faux révolutionnaires. Elle va fantasmer des liens entre les gauchistes et « l’invasion arabe » et c’est en scandant ce thème qu’elle va pouvoir se rapprocher de la droite plus classique, gaulliste.
Très vite, des discussions anti-Arabes explosent, couplées à une violence plus directe. L’été 1973 notamment est marqué par une explosion de violence anti-algérienne, particulièrement dans le sud de la France. Cette année-là, cinquante-deux personnes arabes ou perçues comme telles sont assassinées 4.
De l’autre côté du spectre politique, tu montres comment l’extrême gauche va mettre en avant un tout autre homme arabe pour servir son projet politique.
Effectivement. L’autre spécificité de la période, c’est l’émergence d’un homme arabe comme modèle de résistance.
Après 1968, l’extrême gauche va se tourner vers la révolution algérienne et fantasmer cet homme héroïque arabe qui résiste à l’impérialisme français, au capitalisme. Elle va chercher à s’en inspirer pour penser une virilité révolutionnaire capable de changer le monde.
L’extrême gauche s’inspire de l’Algérie, bien sûr, mais elle s’intéresse aussi à Nasser 5, qui est vu comme un chantre de l’anti-impérialisme, tandis que la question palestinienne devient omniprésente.
L’homme arabe va alors servir de modèle pour contrecarrer l’image d’une classe ouvrière de plus en plus perçue comme trop consumériste et pas assez révolutionnaire. Le travailleur immigré arabe va être vu comme celui qui peut apporter la révolution.
Cette figure est évidemment gravement problématique : on ne peut réduire quiconque à un modèle.
Là encore, c’est le retour d’une longue histoire : l’arabophobie a toujours existé de pair avec une arabophilie, comme l’antisémitisme avec le philosémitisme – une histoire toujours fondée sur l’idée que « ces gens-là sont différents de nous ». Iels pourraient être meilleur⋅es ou pires, mais tout se passe comme s’iels ne pouvaient jamais simplement être des gens, dotés d’une multiplicité de façons d’être.
L’arabophilie suppose par exemple que les Arabes sont plus proches de la nature, moins réprimés, plus libres, notamment sur le plan de la sexualité. La spécificité de cette valorisation de l’homme arabe héroïque est qu’elle le présente comme une incarnation de la virilité révolutionnaire, c’est-à-dire politique. Sa façon d’être homme répondrait à des difficultés que le monde moderne fait peser sur tout le monde.
Comment être homme dans un monde où tout est industriel, où l’on est à la fois coupé de la réalité et individualisé ?
Mâle décolonisation relate l’épuisement de ce rapport, l’impossibilité de le tenir sur le long terme. Des deux histoires, l’une – à gauche – va s’épuiser, tandis que l’autre – celle de l’extrême droite – ne va cesser de gagner en vigueur. C’est cette confrontation qui, je crois, donne sa spécificité aux années 1960 et 1970.
Comment, selon toi, la figure de l’homme arabe a-t-elle aidé à façonner les identités gay en France ?
Il existe une longue histoire de l’érotisation de l’Arabe chez beaucoup d’auteurs qui s’identifient comme homosexuels ou qui en parlent : André Gide, Henry de Montherlant ou Pierre Loti par exemple, repris après la Seconde Guerre mondiale par d’autres comme Jean Genet. Souvent, cela va de pair avec une fixation sur le garçon arabe, objet de fantasme.
Dans les années 1970, un mouvement, le Fhar (Front homosexuel d’action révolutionnaire 6) a utilisé l’image de l’homme arabe révolutionnaire pour la plaquer sur celle de l’homme arabe, décrit comme disposé à avoir des rapports sexuels avec des homos. Le mouvement va parler de cela comme d’un phénomène très présent en France et essayer de lui donner une portée politique, nécessaire dans le contexte de la gauche radicale pour présenter le mouvement homosexuel comme révolutionnaire et légitime. Le Fhar va s’appuyer sur le discours des autres mouvements d’extrême gauche (hors PC), qui considèrent que les Arabes sont révolutionnaires, et va se prévaloir d’un rapport réel et particulier à eux que d’autres à gauche n’ont pas.
En mars 1971 est publié le « Manifeste des 343 », qu’on a appelé le « manifeste des 343 salopes ». Signé par des femmes revendiquant d’avoir avorté, il a marqué l’histoire française. En avril 1971, le Fhar publie dans la revue gauchiste Tout ! (tirée à 50 000 exemplaires à l’époque) un manifeste disant « nous sommes plus que 343 salopes, nous nous sommes fait enculer par des Arabes ». Cette récupération est aussi très explicite dans une autre publication liée au Fhar, datée de 1973 : 3 milliards de pervers, la grande encyclopédie des homosexualités, dont la partie centrale s’intitule « les Arabes et nous » ; le « nous » désignant les homosexuels.
Pour le Fhar, ces rapports sexuels sont politiques, car ils prennent place dans le contexte particulier du racisme colonial. Les Arabes subissent les effets du colonialisme qui continue de miner et de définir leur vie en France même après la décolonisation, et qui les poussent vers la « misère sexuelle ». Mais comme le monde arabe est, selon beaucoup de ses militant⋅es, « plus ouvert », cela les « autoriserait » à chercher des partenaires masculins.
Les membres masculins du Fhar vont prétendre que les hommes arabes en France sont prêts à coucher avec eux dans un rapport d’homme à homme efféminé, actif/passif pour des raisons contextuelles. Pour eux, cela permet d’indiquer comment il faut combattre et créer des liens entre des groupes qui sont séparés. Chacun a des désirs, ces désirs sont politiques, et en l’occurrence pour des raisons historiques, certains désirs sont complémentaires. Le « nous nous sommes fait enculer par des Arabes » renvoie à une possibilité créée des deux côtés par une situation d’oppression et de répression.
Ce côté politique est évidemment très problématique, mais il disparaît assez vite des arguments mis en avant par ces militant⋅es.
Ce qui est intéressant, c’est que pendant l’émergence de ce mouvement gay, au moment donc où croît l’affirmation que le monde sexuel se divise en deux – hétéros et homos –, l’homme arabe sert de contre-modèle à ce binarisme à peu près partout : dans la presse, les romans, les pièces de théâtre, la presse porno, la presse politique, mais aussi chez les auteur⋅ices grand public. Il est présenté comme ayant une autre façon de gérer la vie sexuelle, où tout est possible tant qu’il joue le rôle actif. Encore une fois, il est présenté d’une façon positive, mais comme étant fondamentalement différent.
À la fin des années 1970, il y a un débat public avec d’un côté plusieurs personnes, dont Renaud Camus 7, rejetant l’attirance des homos en France pour le monde arabe qu’il considère comme arriéré, et de l’autre Guy Hocquenghem ou Jean-Luc Hennig, qui vont continuer de penser la différence et d’avancer que le monde homosexuel a besoin de connaître d’autres façons de gérer l’homoérotisme. C’est cette deuxième version, l’idée d’un métissage désirable, qui va disparaître à la fin des années 1970.
L’émergence d’un monde homosexuel visible n’est-elle pas similaire partout en Occident à la même époque ?
La figure de l’homme arabe donne sa spécificité à la France pendant la révolution sexuelle par rapport à d’autres pays occidentaux comme les États-Unis, l’Angleterre ou l’Allemagne.
Ailleurs, il n’y avait pas ces discussions où l’on blanchissait le binarisme homosexualité/hétérosexualité et où l’on présentait en parallèle une autre façon de gérer la sexualité, que l’on imaginait plus « proche de la nature », « ouverte » et que l’on attribuait à des personnes racisées.
Cette spécificité française explique peut-être pourquoi des penseurs tels que Michel Foucault, Roland Barthes, Guy Hocquenghem dans une moindre mesure, ou Gilles Deleuze et Félix Guattari (bien que ces derniers n’étaient pas homos) ont eu une importance telle dans les discussions sur la sexualité dans le monde entier. Tous ont écrit dans les années 1970 et tous ont participé à ces discussions politiques et publiques. Cela permet notamment de comprendre pourquoi de nos jours les théoricien⋅nes queer critiquent la binarisation hétéro/homo en s’appuyant notamment sur ces penseurs 8.
En tant qu’historien, je remarque que ce qui est présenté dans les années 1960 et 1970 comme spécifique aux Arabes est très semblable aux discours sur la sexualité des hommes des classes populaires à Londres, New York ou Paris dans la première moitié du XXe siècle.
Je pense aux travaux de Matt Houlbrook dans Queer London et Georges Chauncey dans Gay New York. Régis Revenin, dans Histoire des garçons et des filles, montre avec beaucoup de données qu’au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et notamment dans les classes populaires urbaines, le rapport à la sexualité tournait autour de la démonstration de virilité. Être celui qui pénètre est suffisant pour se définir en tant qu’homme. Les homosexuel⋅les sont les hommes à esprit féminin ou les femmes à esprit masculin. Ce qui est pervers chez le gay est son désir de se faire pénétrer, son être féminin, pas son désir pour un homme. À l’inverse, le désir pour un homme féminin n’abîme pas la virilité. La tante, ou queer en anglais, désigne l’homosexuel supposé jouer le rôle de la femme dans le couple entre hommes.
Les historien⋅nes de la diversité sexuelle ont donc montré qu’il existait beaucoup de façons de vivre sa sexualité et que les différences s’expliquaient plutôt par le prisme de la classe. Ces nuances disparaissent partout en Occident au profit d’un binarisme homo/hétéro qui s’impose dans les années 1960 et 1970. La spécificité du cas français, c’est que le contre-modèle arabe, bien qu’il fasse constamment l’objet de discussions pendant cette période, incarne une alternative à ce binarisme.
Tu fais référence dans ton introduction à Gayatri Chakravorty Spivak et tu rejoins la thèse de son ouvrage Les subalternes peuvent-elles parler (Amsterdam, 2009) : pour les marginaux⋅les, s’exprimer est très difficile, voire impossible, car cela ne peut se faire que dans la grammaire de la société qui les opprime. Comment les Maghrébins parlaient-ils eux-mêmes de la condition de l’homme arabe et du sexe dans les années 1970?
Il existe beaucoup de prises de parole de personnes qui s’identifient comme Maghrébin⋅es à cette période, par le biais de films, de livres, mais aussi par exemple de petites annonces. Très souvent, il y est question de sexe. Dans les archives, on constate par ailleurs que certaines maisons d’édition elles-mêmes disaient vouloir « donner la parole aux opprimés », arguant explicitement du fait que cela parlerait forcément de sexe, donc allait faire vendre. Les consommateur⋅ices français⋅es le savaient aussi, si un auteur avait un nom à consonance arabe, iels s’attendaient à ce que le sujet soit présent.
Les hommes arabes n’ont pas d’autre choix que d’en parler, leurs témoignages sont recherchés et les Français⋅es reviennent constamment sur ce sujet quand iels les interrogent.
Pourtant de nombreux auteurs essaient d’aborder d’autres choses, et commentent notamment la manière dont les gays parlent de l’homme arabe. Ils montrent qu’ils savent ce que les Français⋅es disent sur eux, ils l’utilisent, jouent souvent avec les fantasmes et les stéréotypes, loin de la naïveté dont ils sont affublés. Toutefois l’histoire collective n’a pas retenu ce moment où ils tentent de participer à la discussion dont ils sont pourtant l’objet.
Pourquoi l’homme arabe est-il aussi selon toi constitutif du mouvement féministe en France ?
En France comme ailleurs, le mouvement féministe s’est historiquement formé autour du suffrage, qui a été une longue bataille.
Mais la deuxième vague du féminisme français émerge plus particulièrement de la nouvelle gauche post-1968, qu’elle se réclame du marxisme ou de l’anarchisme. Ce mouvement étant très marqué à gauche, il est lui aussi influencé par le contexte anti-impérialiste et la résistance à la guerre d’Algérie.
Les féministes vont donc également regarder vers la lutte des Algérien⋅nes et celle des travailleur⋅ses immigré⋅es en France contre le racisme et l’oppression, les présenter comme des dominé⋅es exclu⋅es de la parole publique, et les prendre pour modèle de leur façon d’agir et de lutter. Pour moi, la manifestation la plus emblématique de ce lien réside dans les youyous que les féministes reprennent régulièrement dans leurs manifestations. Les youyous sont un signal sonore qui résonne très fort dans l’imaginaire français depuis la conquête de 1830 et qui avait pris une autre ampleur dans la guerre d’Algérie en devenant un signal de révolte, de résistance, de vie.
Ce lien se voit aussi dans la façon qu’elles ont de penser leur engagement politique. C’est évident avec l’émergence des questions de violences sexuelles et des violences faites aux femmes en général, et cela va tout de suite devenir un problème…
J’évoque un épisode de 1973 où une histoire de viol surgit dans les pages de Libération et la presse d’extrême gauche. Maï, une militante d’origine vietnamienne raconte son propre viol par un homme d’origine antillaise et militant comme elle. C’est très intrigant, parce que dans les jours qui suivent la publication de l’article, les réponses dans le courrier des lecteurs vont le décrire comme arabe. Une certaine lecture va constamment lier la situation avec « l’homme arabe », ce qui revient à montrer que même quand il y a juste une personne racisée, elle est transformée en homme arabe. La discussion va durer quelques semaines puis être chassée des pages de Libé, car perçue comme trop raciste et divisant les luttes, alors que Maï disait pourtant clairement : « Le viol, c’est l’impérialisme de tous les jours. »
Cela trahit également que dans ce contexte, la question du racisme prime : on va chasser le débat sur le viol, parce qu’on a trop peur d’inciter au racisme. Ce point précis a été un vrai terrain de réflexion pour beaucoup de féministes, qui doivent se confronter à la fois aux violences qu’elles subissent et au racisme, notamment anti-arabe, qu’elles considèrent à l’époque comme un problème majeur en France, même si la plupart d’entre elles ne le subissent pas directement.
Dans les mouvements féministes qui se classent le plus à gauche, on va mêler la question du patriarcat à celle de la classe, celle-ci sera constamment abordée à partir de la situation des travailleur⋅ses immigré⋅es, et in fine toujours des Maghrébin⋅es. Elles s’attaquent aussi au système de justice qui s’en prend facilement aux Arabes, mais jamais aux vrais violeurs que seraient les patrons et les bourgeois.
Quand la question de la violence sexuelle ressurgit en 1976-1977 dans les débats publics, encore une fois cette question va devenir centrale, parce que la plupart des procès instruits voient un homme arabe sur le banc des accusés. Cela va inspirer un grand débat, notamment dans la presse de gauche et d’extrême gauche : est-ce qu’il est raciste et/ou classiste de faire appel à l’État répressif pour affronter les questions de violences sexuelles ?
Des féministes essaient d’expliquer pourquoi ce n’est pas une trahison de la lutte révolutionnaire, pourquoi il peut être raisonnable de faire appel à l’État à certains moments, et encore une fois la figure de l’homme arabe est centrale dans ce débat, puisque certains vont arguer que les hommes arabes seront les principales victimes de cette démarche. C’est un problème que la plupart des féministes impliquées dans cette revendication prennent très au sérieux et auquel elles tentent de réfléchir. Et puis encore une fois, c’est autour de 1978-1979 que beaucoup abandonnent la juxtaposition de ces luttes.
Parce qu’aussi, comme tu le disais, personne ne leur offre de véritable réponse. Les critiques qu’elles essuient sont très violentes. Des intellectuels comme Michel Foucault ou Guy Hocquenghem, et ce ne sont pas les seuls, vont jusqu’à les accuser de traîtrise.
Oui. On les accuse de jeter les Arabes en prison, d’être puritaines, d’avoir peur de la sexualité masculine, d’être des fliquettes, et même d’être racistes.
Guy Hocquenghem va accuser les femmes du Fhar (qui avaient créé le mouvement) de l’avoir quitté parce qu’elles étaient dégoûtées à l’idée de parler de la sexualité, notamment de celle avec les Arabes. Dans la presse homo, il y a un basculement à partir de 1974-1975, on va commencer à déprécier le mouvement féministe et à le décrire de plus en plus souvent comme mu par un refus de la sexualité.
Les féministes qui participent au débat prennent de nombreuses mesures, que je retrace dans l’ouvrage, pour essayer de contrer ces arguments. En face, elles n’obtiennent absolument aucune réponse, rien. Elles critiquent aussi l’hypocrisie de leurs interlocuteurs, qui n’hésitent pas à appeler la police quand les militants gauchistes sont tabassés par l’extrême-droite, quand des immigré⋅es sont agressé⋅es ou quand il y a un attentat, et ne voient donc pas pourquoi elles s’en priveraient. Elles essaient de montrer que le viol n’est pas pris au sérieux, que les victimes ne sont pas écoutées.
Gisèle Halimi et d’autres avocates féministes poursuivent une logique de procès politique pour attirer l’attention sur la question du viol. La punition des violeurs n’est pas ce qui compte pour elles, elles veulent attirer l’attention, se servir de ces procès pour dénoncer la culture du viol et l’impunité qui la caractérise. Elles sont tout de suite prises dans l’engrenage de l’intérêt médiatique pour ces choses. Elles ont voulu attirer le public sur les questions de viol, mais l’attention médiatique ne se porte que sur ceux qui seraient commis par des Arabes.
Michel Foucault et d’autres vont donc reprocher aux féministes de faire appel à l’État, puis de criminaliser la sexualité. C’est encore la figure de l’homme arabe qui sert à joindre ces deux attaques.
J’essaie de montrer un peu pourquoi et à quel point les accusations de viol ont été disqualifiées par beaucoup de gens à gauche, présentées comme étant injustes et emblématiques du racisme anti-arabe en France, ce qui rend encore plus difficile le fait de manœuvrer sur ce terrain discursif.
Dans le film Dupont Lajoie 9, très médiatisé à l’époque, c’est le fait qu’un Arabe soit injustement accusé d’un viol et tué qui constitue la plus grande injustice. Le meurtre commis par le violeur de la femme, incarnée par Isabelle Huppert, est important, mais secondaire. Les films de Carole Roussopoulos témoignent eux aussi de l’intensité des débats féministes sur ces questions à l’époque.
Tous les efforts pour penser ensemble l’histoire coloniale de la France et la lutte d’émancipation des femmes vont être niés, c’est cela qui pousse certaines féministes à abandonner cette lutte conjointe. Beaucoup d’entre elles vont poursuivre ces combats, mais séparément.
Il devient trop difficile de penser le modèle de l’homme héroïque algérien pour des raisons diverses : pour les féministes, car cette figure est utilisée pour déprécier leurs luttes ; pour les homos, c’est en partie parce qu’elle est tellement érotisée, réifiante, et raciste donc, que la façon de penser cette figure doit être mise à la trappe.
« En s’intéressant à l’année 1979 comme année pivot on peut comprendre comment certain⋅es ultranationalistes influent⋅es – notamment Renaud Camus et Marine Le Pen – ont réussi à faire la synthèse entre les préoccupations de l’après-1962 et celles de l’après-1968. » Peux-tu nous dire en quoi 1979 fut un tournant ?
1979 m’intéresse car je crois que cette année cristallise l’abandon de l’homme arabe comme modèle. En février 1979, la révolution iranienne est victorieuse. Dès le 8 mars 1979, pour la journée internationale des droits des femmes, des reportages, venant notamment de journaux de gauche, racontent ce qui se passe en Iran uniquement sous le prisme de la fin des libertés pour les femmes et de l’exécution des homosexuel⋅les.
Ce qui m’intrigue, c’est à quel point cela permet de passer d’une frustration envers le modèle de l’homme arabe à une nouvelle attention envers la femme musulmane perçue comme victime. L’Iran n’est pas un pays arabe, mais dans la réception occidentale de la révolution iranienne, l’islam devient l’élément problématique central.
L’Occident et la France estiment n’avoir rien à apprendre de cette révolution, seulement des leçons à donner. Les discussions sur le colonialisme et le racisme qui allaient de pair sont écartées du débat public. Michel Foucault, qui montre un intérêt pour cette révolution et s’efforce de décrire ce qui se passe en Iran comme un autre régime de vérité qui mettrait en cause l’universalité du modèle français, subit un rejet assez violent.
Cela marque le retour en force d’une vision très présente pendant la guerre d’Algérie, mais disparue depuis : celle de la révolution comme une guerre musulmane, menée contre les Chrétien⋅nes, contre les Lumières, etc. La presse de gauche estime en 1979 que les problèmes algériens sont liés à la religion musulmane, que l’Irak ou l’Égypte ne sont plus des pays inspirants, car trop déterminés par l’islam, de telle sorte que les femmes et les homosexuel⋅les y sont des victimes, contrairement à la France qui est en train de les libérer.
On a souvent dit que les Français⋅es étaient trop traumatisé⋅es par la violence de la guerre d’Algérie pour en parler jusqu’au milieu des années 1990. En fait, on en parlait énormément dans les années 1960 et 1970, c’est dans les années 1980 que le sujet s’étiole. Là encore, c’est à gauche que ce silence s’impose au profit d’autres histoires, dans le contexte de l’union de la gauche au pouvoir et du fait des liens problématiques qu’entretenaient Mitterrand et d’autres avec la guerre d’Algérie et la colonisation française. On préfère donc parler d’histoires supposées de droite : l’antisémitisme, la Shoah, des histoires, en apparence seulement, étrangères à la France de gauche.
Selon toi, l’épuisement de l’anti-impérialisme est donc intimement lié à un retour de la pensée universaliste ?
Très clairement, les Occidentaux⋅ales vont à nouveau vouloir donner des leçons au monde plutôt que d’imaginer en recevoir, particulièrement sur les questions sexuelles, et des mouvements de libération ont de ce fait en partie changé de visage. Nous sommes toujours aujourd’hui dans cette phase.
C’est intéressant avec le mouvement homosexuel : la sortie du placard, le coming out , était une tactique pour répondre à quelque chose de spécifique, à la répression sexuelle en général. Il fallait libérer les gens pour leur permettre de vivre leur vie sexuelle, leurs plaisirs plus librement. Ce n’était pas pour créer des couples homosexuels, une communauté homosexuelle, ni créer un binarisme hétéro/homo. Pourtant le coming out est devenu petit à petit un passage obligé, un marqueur de progrès valable pour l’humanité entière. Celleux en France et (surtout) dans d’autres pays qui ne le perçoivent pas comme un acte politique, seront forcément vu⋅es comme réactionnaires.
Est-ce qu’en France la guerre d’Algérie influence toujours le rapport aux racisé⋅es, et notamment aux Arabes ?
Tout à fait, et ce que je veux mettre en avant, c’est qu’une certaine partie de l’extrême droite a théorisé « l’invasion algérienne de la France » comme action politique pour effacer l’Histoire.
Il y a un pays qui en a envahi un autre, qui a occupé et a créé des liens très forts entre colons et colonisé⋅es, c’est la France. Elle a forcé des gens à prendre la citoyenneté française et a insisté, contre l’avis du FLN 10, sur le potentiel de la double nationalité en 1962 pendant les accords d’Évian. Cette histoire est la vraie, et elle explique la force des liens entre ces deux pays.
Trop souvent, on rejoue cette histoire sur un terrain où l’on manque gravement de connaissances. Fixer dans le présent les liens entre la France et l’Algérie, entre les Français⋅es et les Algérien⋅nes, est absurde, seule l’étude de l’Histoire permet de comprendre les rapports intellectuels, émotionnels et moraux extrêmement puissants entre ces deux pays.
Après l’affaire de Cologne 11, Renaud Camus a par exemple annoncé à la presse qu’un nouveau « Front de libération nationale » s’était déjà levé en France pour lutter contre « l’invasion musulmane ». Cela a pour but de fausser l’histoire du véritable FLN, et celle de la France en Algérie. L’extrême droite a toujours présenté la guerre de façon mensongère, et c’est cela qu’il faut contrer, en expliquant l’Histoire. Il n’y a pas d’invasion algérienne en France, en revanche, il y a un pays où une invasion a eu lieu, avec des armes.
Tu as dis dans une émission : « J’aurais aimé que mon livre soit simplement un livre d’Histoire, mais tout cela revient constamment 12. »
Quelque chose de spécifique s’est créé après la guerre : l’idée que la France a été humiliée, qu’elle continue de l’être par des gens qui vivent maintenant en France, et que la bataille contre ces gens se joue aussi sur un terrain sexuel.
Or le racisme de l’époque de la guerre est toujours aussi présent, et ces termes, notamment ceux de la bataille de virilité, reviennent même en force : ils sont émis quotidiennement par des personnes qui ont une audience importante comme Éric Zemmour, un exemple caricatural. Il est obsédé par la soumission. Pour lui comme pour beaucoup d’autres, la seule question qui vaille est : qui va dominer qui ? La sexualisation est toujours omniprésente.
- Concept créé par Edward Saïd, l’orientalisme désigne l’ensemble des représentations créé par « l’Occident » sur « l’Orient », et les conséquences de celles-ci en termes de domination coloniale et symbolique. L’orientalisme est une pensée fondée sur le fait que l’Orient et l’Occident sont ontologiquement et épistémologiquement différents. Voir Edward Saïd, L’Orientalisme, Seuil, 1980. ↩
- Mostefa Djajam, Ali Ghalem, Mahmoud Zemmouri, Jean Duflot, Pierre Boiron et Jacqueline Narcy « Courrier : histoire d’un mec qui ne voudrait pas sombrer dans l’antiféminisme » Libération, 10 mai 1977 ↩
- La Gangrène, publié aux Éditions de Minuit en juin 1959, rassemblait les témoignages de cinq détenus algériens à propos des tortures dont ils avaient fait l’objet à Paris l’année précédente. Dès sa publication, tous les exemplaires du livre ont été saisis par le gouvernement, qui s’est empressé de nier ces récits et de les attribuer à une manipulation du Parti communiste. ↩
- Voir notamment « Crimes racistes en France dans les années 70 : une mémoire occultée » sur le site agitationsautonomes.com, et Fausto Giudice, Arabicides, une chronique française 1970-1991 , La Découverte 1992. ↩
- Gamal Abdel Nasser Hussein a été président de l’Égypte de 1956 à 1970. ↩
- Le F.H.A.R. est né en 1971 du rapprochement de féministes lesbiennes et d’activistes gay. Il a donné une visibilité aux homosexuel⋅les radicaux⋅les, luttant à la fois contre l’État bourgeois hétéropatriarcal et contre le machisme et l’homophobie latents à gauche et à l’extrême gauche. Rapidement, les femmes quittent le mouvement du fait de la surreprésentation des hommes. En avril 1971, une partie d’entre elles fonde, avec des lesbiennes issues du Mouvement de libération des femmes, le groupe des Gouines rouge. ↩
- Le futur théoricien du « grand remplacement ». ↩
- À partir des années 1990, les textes qui composent peu à peu l’ensemble hétérogène de la « théorie queer » rassemblent plusieurs critiques du binarisme homo/hétéro et de la bicatégorisation homme/femme. Ils s’appuient sur la démarche et les travaux de Michel Foucault, mais aussi plus largement sur d’autres auteurs associés à la « French Theory » (Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Jacques Lacan…). C’est notamment le cas des travaux de Judith Butler, d’Ève Kosofsky Sedgwick ou de Jonathan David Katz. ↩
- Réalisé par Yves Boisset en 1975. ↩
- Front de libération nationale, créé en 1954 pour obtenir l’indépendance de l’Algérie et qui négocia avec la France les accords d’Évian, ayant mis un terme à la guerre et annoncé la fin de l’Algérie française. ↩
- Le 31 décembre 2015, lors des cérémonies du réveillon, eurent lieu dans plusieurs villes d’Allemagne, et notamment à Cologne, un grand nombre d’agressions sexuelles, de braquages et de vols pour lesquels les principaux suspects furent des demandeurs d’asile décrits souvent comme arabes. ↩
- « “L’extrême droite montre la femme arabe en victime et l’homme arabe en brute.” », France culture, « La Grande Table », 2 mars 2017. ↩