8 avril 2020

Revenu de confinement maintenant ! Pandémie et crise économique en Italie

Traduit de l’italien par Cabiria Chomel et Lucile Dumont
Articles initialement publiés sur dinamopress.it

En Italie comme dans la majorité des pays, la crise sanitaire suscitée par la pandémie de Covid19 agit comme le catalyseur d’une crise économique venue de loin, qui creuse l’écart entre les mieux loti·es et les plus précaires. Avec les interdictions de déplacement et de sortie, les travailleur·ses au noir, intermittent·es, indépendant·es, saisonnier·es et auto-entrepreneur·ses, le plus souvent exclu·es des systèmes de protection sociale caractéristiques du travail salarié, ont perdu du jour au lendemain toute forme de rémunération. La mise en place d’un revenu de confinement pourrait donner les moyens de survivre, même provisoirement, à toutes celles et ceux pour qui la crise ne s’arrêtera pas avec la fin de la pandémie. Les deux textes qui suivent analysent la crise en cours et celle à venir tout en examinent la nécessité de mesures économiques et politiques d’urgence.

Sentinelle, où en est la nuit 1 ?

Par Augusto Illuminati

Ce n’est pas la fin du monde mais d’un monde. Plus exactement, c’est la crise profonde, apocalyptique, c’est-à-dire révélatrice, d’un monde. Et ce monde est celui de la mondialisation néolibérale, dont les flux et les chaînes d’approvisionnement et de consommation ont été percutées et interrompues par une pandémie qu’elles ont sans doute participé à créer, qu’elles ont sûrement accélérée et amplifiée.

Une crise simultanée de l’offre et de la demande de marchandises et de son énergie fossile, une crise aggravée par une simultanéité géographique, une crise qui cette fois ne s’est pas pliée à l’opération classique de soulagement sur d’autres territoires, habituellement permis par les inégalités de développement.

Crise de l’économie réelle qui se reflète dans la finance et non crise financière avec des retombées sur l’économie industrielle et sur l’emploi, comme en 2008.

Cette crise était latente – et largement annoncée depuis au moins deux ans, aussi bien au niveau structurel que par des mouvements anormaux en bourse – elle n’attendait qu’un signal céleste pour se manifester aux mortel·les sidéré·es. Soudain sont apparus les quatre chevaliers de l’Apocalypse, présentant les spéculations prophétiques des virologues, à l’inverse des théologues mutiques et inopérants, sans parler des économistes peu inspirés et arrogants.

Le fléau sanitaire est bien réel. Il est peut-être le premier d’un cycle de phénomènes viraux liés au dérèglement climatique et plus directement à la mauvaise hybridation anthropique avec la flore et la faune, due entre autres à la déforestation et à l’élevage intensif 2. À cela s’imbrique de manière inextricable un fléau économique, dans lequel nous sommes directement impliqué⋅es et qui risque de marquer profondément le réveil civil et démographique après les pertes dues à la pandémie.

La gestion néolibérale de la mondialisation n’a pas été en mesure d’équilibrer les flux et de stabiliser les intérêts économiques et géopolitiques – ni dans sa version protectionniste nord-américaine, ni dans celle de l’Union européenne, légèrement pluraliste ; ni même dans celle de la Grande Harmonie chinoise. Résultat : les courroies de transmission logistique et les flux de marchandises et d’informations ont explosé dès le premier signe d’épidémie.

Dans un premier temps ont ressurgi les haines xénophobes, puis les virus ont infiltré les mailles des masques et des barrières souveraines, emmenant tout le monde vers l’effondrement, l’un après l’autre, jusqu’à ce que Trump reste avec l’allumette entre les doigts – « le virus chinois est sorti de nulle part » – avec peut être la perspective terrifiante d’une future catastrophe.

Que nous montre la crise en cours et quelles interventions suggère-t-elle ?

Elle nous montre le caractère insoutenable d’une mondialisation reposant sur le travail précaire, illégal, distribué de manière irrationnelle, d’après une logique structurelle profondément ancrée : organisé sur des plateformes de services et reposant sur une main-d’œuvre asservie à la production, mais aussi sur des îlots occidentaux de travail qualifié et pourtant toujours moins bien rémunéré, ainsi que sur une flotte encore plus vaste de livreur·ses de pizza à domicile, chauffeur·ses Uber, magasinier·es et distributeur·ices d’Amazon, petit⋅es propriétaires d’Airbnb, enfants-esclaves du travail à la chaîne, armées de producteur·ices, raffineur·ses et distributeur·ices de drogues dans les périphéries mondialisées.

Il suffit d’un rien pour faire sauter ce système déséquilibré et rendre difficile sa reconstruction, même une fois la pandémie atténuée. La crise financière, bien qu’ostentatoire – il suffit de voir les données sur l’effondrement des bourses de chaque côté de l’Atlantique et du Pacifique, déjà obsolètes au moment de cette publication –, n’est que la manifestation superficielle d’une crise économique réelle, de son système nerveux et sanguin. On n’en sortira que par l’ouverture d’un autre cycle – qu’il s’agisse d’un cycle capitaliste différent ou d’une autre organisation de classes.

Baissons néanmoins modestement le regard sur la situation italienne, qui a été en Occident le foyer principal du Covid19 et qui sera probablement celui de la crise à venir. Le président du conseil des ministres Giuseppe Conte a immédiatement augmenté le déficit du pays et débloqué entre 3 et 25 milliards d’euros, comme s’il devait sauver une banque. Ce qui signifie que le gouvernement a compris qu’il fallait renforcer le système avant qu’il ne s’écroule.

Pour le moment, il n’y a pas d’objections (du moins dans les discours) à la prolongation des allocations chômage, à la baisse des impôts, à une aide au revenu pour différentes tranches de la population. Même le duo d’économistes Alesina et Giavazzi 3, explique que tout est approuvé afin de soutenir coûte que coûte la demande et les habitudes d’achats, y compris garantir de manière inconditionnelle les emplois en cours, quelle qu’en soit la forme contractuelle.

Naturellement, les attentes de rééquilibre financier se fondent sur l’hypothèse d’une stagnation des luttes sociales. Cette hypothèse, évanescente, disparaîtra en même temps que la peur du virus et des rassemblements, aux premiers signes d’une pénurie financière et marchande – une situation classique déflationniste de stagnation. Pour le moment, néanmoins, le gouvernement Conte, avec le soutien du PD 4, s’en sort relativement bien : il a imposé son unité nationale, en réduisant au silence Matteo Salvini 5 et en refusant de concéder à l’opposition un commissaire avec les pleins pouvoirs, qui aurait affaibli l’équipe gouvernementale et réalisé de manière bancale les délires du Papetee Beach 6. Il a obtenu un vote de confiance presque unanime sur les mesures de dépassement du déficit et repoussé à l’automne (ou plus) les élections régionales et le référendum constitutionnel, coupant la chique aux pressions de la droite. Dans ce contexte, on voit arriver la possibilité d’élections anticipées à peu près aussi clairement que les bateaux chargés de migrants ou que les membres du PD impliqués dans l’affaire Bibbiano 7.

À ce rythme, peut-être qu’ils pourraient même proposer l’autonomisation des régions et la réduction du nombre de parlementaires, et sûrement aussi tenir leurs promesses de révisions radicales des décrets Sécurité. En résumé, une parfaite opération démochrétienne.

À tel point que l’on peut maintenant parler d’un gouvernement Conte 3 : après l’épisode du président qui se présentait comme otage de la majorité jaune-verte à coloration salvinienne, puis l’épisode du président chef du cartel de la convergence Mouvement 5 étoiles-PD-partisans de Matteo Renzi 8, nous voilà enfin avec un président vraiment autonome. Ou plutôt : nous voilà avec un ticket Conte-Gualtieri 9 qui écarte finalement le Mouvement 5 étoiles, les maîtres chanteurs d’Italia viva et une partie du PD, et qui se donne à la fois pour objectif de gérer le passage de la crise sanitaire à la crise économique et de se développer dans de nouveaux cadres européens.

Mais qu’est-il déjà en train de se passer, dans l’attente des mesures gouvernementales de soutien à l’emploi et aux entreprises ? On peut supposer qu’ils vont se pencher sur l’extension des allocations chômage et des congés parentaux exceptionnels, sur le blocage des cotisations et des impôts sur la TVA, etc. Et ils pourraient bien faire cela en suivant la stratégie italienne habituelle qui consiste à mettre en place « des interventions multiples, des amortisseurs sociaux, dégrèvement fiscaux, etc. » et à répondre « par une série d’exceptions et de manière tout à fait discrétionnaire », comme l’écrit le Clap sur notre site, en proposant un revenu de confinement [voir ci-après, ndlr].

Ce revenu devrait couvrir les cas d’individus qui ne se trouvent pas sous la protection de mécanismes de compensation caractéristiques du travail salarié – travailleur et travailleuses sociales, salarié·es de coopératives, travailleur·ses du secteur tertiaire, de la culture et du spectacle, vrai et faux petit⋅es travailleur·ses indépendant·es, restauration, hôtellerie, salles de sport, tourisme, formation, etc. – et qui se retrouvent face à une absence totale de revenus et de toute forme de rémunération sur une durée relativement longue. Sarah Gainsforth l’a bien montré sur le cas du secteur tertiaire à Rome 10.

À cela s’ajoutent deux problèmes tout aussi importants. Le premier est la pression exercée sur les salarié⋅es du secteur public pour qu’iels prennent des congés, allant jusqu’à suggérer de retirer les jours d’absence des indemnités de licenciement, au lieu de les considérer justement comme des jours de maladie exceptionnelle, en accord avec l’obligation de ne pas sortir de chez soi afin de réduire la contagion.

Le second est la révolte spontanée – c’est-à-dire sans le soutien des centrales syndicales, qui la boycottent littéralement – et généralisée des ouvrier·es d’usine, qui refusent de devenir des cobayes pour l’incubation du coronavirus dans le seul but de sauvegarder leur régime d’exploitation. Les manifestations sont interdites, alors qu’on autorise les rassemblements dans les hangars et le long des chaînes de montage. Peut-être cela vaudrait-il la peine de renverser la situation. Même les usines qui tiennent à conserver leur main-d’œuvre qualifiée – vivante, de préférence – commencent à fermer.

En même temps, le revenu de citoyenneté mis en place par le Mouvement 5 étoiles ne parvient pas à maintenir ses conditions d’attribution, ni les critères de création d’emploi sur lesquels il reposait, distribuant par cercles concentriques des pseudo-boulots inventés par Mimmo Parisi, le joyeux expert du Mississipi 11 : il n’y a tout simplement pas de postes de travail. On ne pourrait de toute façon pas y accéder à cause des interdictions de déplacement et les mairies ne songent même pas à se lancer dans des travaux d’utilité publique.

Un revenu de confinement pourrait être une solution provisoire qui permette d’unifier des situations hétérogènes face à l’assistance et de fournir des moyens de subsistance aux millions de précaires qui ne sont actuellement pas couvert⋅es par l’assurance chômage. Le problème d’aujourd’hui est un problème de survie. Demain ce sera celui de la réactivation de la demande, sans quoi les usines italiennes, dont les exportations sont bloquées par l’actuelle interruption catastrophique des chaînes d’approvisionnement et de distribution, ne parviendront pas à reconstruire un marché interne. Mais ceci n’est possible qu’à condition qu’échappent à la contagion les ouvrier·es qui aujourd’hui sont menacé·es à cause de l’aveuglement de Cofindustria 12 et des incertitudes du gouvernement. Inutile d’ajouter que ces mesures – qui sont valides pour les Italien·nes et les migrant·es, les travailleur·ses de l’économie formelle ou informelle, les « clandestin·es » et celles et ceux qui sont doté·es d’un titre de séjour, c’est-à-dire pour toute la force de travail qui produit de la richesse et qui en consomme –, doivent être accompagnées d’un renforcement de l’État social. Cela devrait commencer par tout ce qui concerne le secteur de la santé, et qui va bien au-delà de la sacro-sainte augmentation du nombre de structures hospitalières et de soins intensifs, qui ont été réduites de manière tout à fait criminelle au cours des dernières années de gouvernance néolibérale, de droite et de centre-gauche.

Personne ne se fait d’illusions sur le fait qu’il ne suffira pas de mettre en place des mesures d’urgence, bien qu’elles soient évidemment indispensables dans une situation d’urgence. La sortie de la crise provoquée par la pandémie ne correspondra pas à une sortie de la crise économique. Par ailleurs les financements à court terme devront, avec l’aggravation de la dette, se confronter aux changements structurels de la dépense publique et du prélèvement fiscal.

Il faudra prolonger la lutte contre l’évasion fiscale, bien entendu (ils le marmonnent tou⋅tes et continueront à le marmonner), mais aussi développer les impôts sur les patrimoines exceptionnels et les interventions sur le régime propriétaire des entreprises stratégiques, et revenir sur les privatisations. Le travail temporaire et surexploité, qui fleurissait autour des vieilles filières néolibérales aujourd’hui disloquées, ne va pas se reconstituer plus beau et plus heureux qu’auparavant. Dans le régime capitaliste, ce sont les augmentations salariales consistantes et la mise en place d’un revenu de citoyenneté inconditionnel qui seront à l’ordre du jour. L’alternative à cela, c’est un chaos « viral », des migrations de populations et des guerres – et il est tout à fait possible que cela advienne. Nous devons nous donner les moyens d’empêcher cela.

À celui qui passe dans le désert et demande où en est la nuit, la sentinelle donne une réponse, et pas des moindres. Elle est provisoire, mais lui renvoie la balle en termes de responsabilité : « Le matin vient, et la nuit aussi. Si vous voulez poser des questions, posez-les, insistez et revenez ! » La pression et la lutte doivent continuer pour sortir du confinement et retrouver la grande santé. Ce ne sera ni une promenade, ni un dîner de gala. Et nous l’avons bien compris ces derniers jours, en restant chez nous comme demandé.

Qu’est-ce que le « revenu de confinement » 13 ?

Par Clap (Chambres du travail autonome et précaire)

Le gouvernement italien a fait l’annonce d’un décret débloquant environ 12 milliards pour le soutien à l’emploi et aux entreprises, qui devraient se transformer en 25 milliards 14 (avec l’aide de l’Union européenne). On parle de l’extension des allocations chômages pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs, dans l’ensemble du pays. Au-delà de cette mesure, on ne sait pas exactement à quoi s’attendre : des congés parentaux exceptionnels sont évoqués, ainsi qu’un arrêt des cotisations et des impôts sur la TVA (pour les artisan⋅es et les professionnel⋅les), un allègement ou un renvoi des paiements et des crédits. La conférence de presse qui a précédé ces mesures n’a rien détaillé de plus. Les doutes semblent s’appuyer sur le fait qu’une fois le décret publié, nous nous trouverons face à des interventions multiples, des amortisseurs sociaux, dégrèvements fiscaux, etc., pour que, malgré la nécessité d’un certain universalisme, l’Italie réponde comme à son habitude par une série d’exceptions et de manière tout à fait discrétionnaire.

Cela fait quelques jours qu’une revendication circule en ligne. Elle est portée par des précaires, des intermittents·es et des auto-entrepreneur⋅ses – fraîchement ou faussement indépendant·es – de Lombardie et d’ Émilie Romagne, qui représentent une grande partie du travail précaire en Italie, celui qui souffre et qui souffrira le plus de la situation d’urgence liée au Covid19. Il s’agit de la revendication d’un revenu de confinement. Que signifie ce mot d’ordre, d’où vient-il et pourquoi pense-t-on qu’il soit décisif ?

Ce que l’on peut observer depuis les tranchées des employé⋅es sans droits, point de vue « privilégié », c’est que la situation d’urgence actuelle provoque d’énormes dégâts dans l’ensemble du monde du travail. Certains secteurs en paient le prix fort. Ce sont ceux dans lesquels la fragilité des garanties et des salaires est loin d’être une nouveauté : les travailleurs et travailleuses sociales, les salarié·es de coopératives, les petit·es travailleur·ses indépendant·es. Chacune de ces catégories comprend des centaines de milliers de personnes qui se sont littéralement retrouvées du jour au lendemain face à une suppression totale de leurs revenus et de toute forme de rémunération.

Le confinement et les interdictions de déplacement qu’il entraîne mettent également à genoux tout le secteur du tourisme et de la restauration : à cause de la réduction drastique des activités, les hôtels, les restaurants et les bars ont commencé à licencier. Si l’on ajoute à cela la fermeture des piscines, des salles de sports et des pubs, ainsi que des instituts de formation, des écoles privées sous contrats et de beaucoup d’autres établissements, le nombre de travailleur·ses qui restent et qui resteront sans emploi, sans salaire ou avec des horaires de travail sévèrement réduits, augmente vertigineusement. De manière générale, le secteur privé, mais aussi une grande partie du secteur public, « résout » ce problème en obligeant les salarié⋅es à prendre des congés, et en allant jusqu’à proposer de retirer les jours d’absence des indemnités de licenciement.

Ce tableau à peine esquissé montre indiscutablement que des mesures timides, ambiguës et fragmentées n’aideront en aucun cas à affronter la situation d’urgence : elles risqueraient plutôt d’agrandir encore plus les écarts entre celles et ceux qui sont submergés et celles et ceux qui s’en sortent, entre celles et ceux qui réussiront à faire face à la situation et celles et ceux qui, pendant des mois, voire des années, n’auront pas la possibilité de se relever.

Revendiquer un revenu de confinement signifie avant tout de prendre acte de la situation et d’affirmer un concept simple : il est nécessaire d’acheminer de l’argent directement dans les poches des travailleuses et travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants, associés ou saisonniers, qu’il s’agisse de travail au noir ou semi-déclaré. De quelle autre manière pourraient-elles s’en sortir sinon, toutes celles et ceux qui sont piégés dans du travail occasionnel ou dont les contrats ne reflètent pas les heures effectivement travaillées. Il est nécessaire d’imaginer et de revendiquer des mesures universelles, qui aillent dans le sens inverse de la segmentation : revenu de confinement et sécurité sociale, pour toutes et tous.

Il est aussi nécessaire d’articuler d’autres batailles fondamentales autour de cette revendication centrale : l’arrêt des crédits, des loyers et des charges, la suppression du paiement des impôts et des taxes comme la TVA ; l’arrêt immédiat des licenciements, la mise en place d’une aide extraordinaire pour le soin des personnes âgées et fragiles, des congés parentaux extraordinaires payés à 100 %, l’arrêt immédiat du recours aux congés payés comme compensation, la mise en place immédiate du télétravail pour tous et toutes quand cela est possible.

De l’argent, il y en a, il y en a toujours eu : il faut un investissent audacieux pour financer cette mesure et toutes les mesures de redistribution dont nous aurons besoin. Que celles et ceux qui ont amassé durant toutes ces années – sur le dos du travail sous-payé et sans droit, grâce à la spéculation financière et à une fiscalité régressive – rendent une partie de leur richesse. Car c’est une richesse commune, produite collectivement mais réappropriée par des individus et qui doit être urgemment rendue à la société pour son bien-être et sa santé. Si, comme le répète Confindustria pour imposer ses conditions au gouvernement, « ce sont eux le moteur du pays », qu’iels rendent l’argent excédent et qu’iels arrêtent la production – pour la protection des ouvrier·es et, plus largement, celle de tous et toutes.

L’urgence du coronavirus a permis de mettre en lumière les distorsions et les faiblesses du marché du travail italien, enracinées depuis trop longtemps : c’est pour cela que le revenu de confinement doit être une mesure d’urgence immédiatement effective, qui puisse parer les effets profonds d’une crise qui se profilait pourtant déjà clairement à l’horizon. Comme en ce qui concerne la santé publique, l’urgence est chronique.

Nous attendons de comprendre ce qui va se passer avec le décret annoncé, mais en attendant nous devons essayer d’unir les milles figures du travail précaire et exploité – les petit·es auto-entrepreneur·ses, les petites maisons d’éditions indépendantes, les travailleur⋅ses de la culture, du spectacle, du tourisme, de la restauration, du secteur tertiaire –, celles et ceux qui n’ont plus de bouées de sauvetage. Personne ne doit rester à la traîne. Aujourd’hui plus que jamais.

  1. Titre original : « Sentinella, a che punto è la notte ? », publié le 12 mars 2020 sur dinamopress.it/news/sentinella-punto-la-notte.
  2. Voir acta.zone/agrobusiness-epidemie-dou-vient-le-coronavirus-entretien-avec-rob-wallace.
  3. Économistes italiens, spécialisés dans l’économie politique et les politiques budgétaires.
  4. Le Parti démocrate (Partito Democratico) est un parti politique italien classé en général au centre gauche.
  5. Secrétaire fédéral de la Lega, parti d’extrême-droite, ayant perdu sa place dans le gouvernement Conte suite aux élections d’août 2019.
  6. Référence à fête de la Lega d’août 2019, qui a notamment vu Matteo Salvini s’afficher aux platines d’une boîte de nuit de la région d’Émilie Romagne nommée Papeete Beach.
  7. En 2019, Bibbiano (commune de la province de Reggio en Italie) est le théâtre d’un scandale médiatique concernant une affaire d’abus sexuel sur mineurs. Ouverte en août 2018, l’enquête abouti à l’interpellation, le 27 juin 2019, de dix-huit personnes dont des médecins, des travailleurs sociaux et des politiques du PD.
  8. Ancien président du Conseil ayant quitté le PD en 2019 pour former un nouveau parti, Italia Viva.
  9. Ministre de l’Économie et des Finances italien, membre du PD.
  10. Point central du programme du Mouvement 5 étoiles, le « revenu de citoyenneté » propose une garantie universelle de revenu à destination des foyers vivant en-dessous du seuil de pauvreté. Son obtention est soumise à des conditions relativement strictes, parmi lesquelles il faut notamment pouvoir témoigner d’une recherche d’emploi.
  11. Mimmo Parisi, appelé par le gouvernement pour mettre en place le « revenu de citoyenneté » est professeur à l’université du Mississipi aux États-Unis.
  12. Cofindustria est la Confédération générale de l’industrie italienne. En tant qu’organisation représentative des entreprises italiennes, elle est une sorte d’équivalent du Medef dans la péninsule.
  13. Titre original : « Che cos’è il “reddito di quarantena” ? », disponible sur dinamopress.it/news/cose-reddito-quarantena.
  14. Le décret « Cura Italia », qui entend prendre des mesures pour faire face à la situation italienne pendant la pandémie, a été approuvé le 17 mars 2020.